La course aux conditions

IMG_0874Pierre m’expliquait hier, lors de notre sortie cascade de glace, qu’il se servait des sites et autres forum destinés aux conditions des cascades (ou ski) pour éviter les endroits fréquentés. En cette période de disette et de conditions difficiles, il préfère s’abstenir plutôt que de se retrouver sur des sites saturés.

Le partage des conditions servirait donc à ça ???????

Ne pas aller en montagne !!!!!!

L’effet pervers des forums, la sur-fréquentation, la désinformation, l’abrutissement…….

En ski, il suffit d’accepter de quitter la ville, ses métros ou autres tramways pour se retrouver près de cent voitures sur certains parkings de Belledone ou cinquante vers Archinard.

En cascade, le jeu n’est pas le même. Et il l’est encore moins les années sèches. Une, voir plusieurs cordées par longueurs dans les Y de Ceillac, est tout simplement dangereux et criminel.

Trente voitures au parking du La Fourchu pour gratter 4 cascades…

Conduire sous les effets de l’alcool nous semble dangereux ET est interdit.

Grimper à plusieurs dans des cascades en balançant et recevant des kilos de glace mortellement dangereux semble être maintenant totalement accepté.

Sans doute un désir d’aventure et d’acceptation du danger donné au commun des mortels.

On ne fait plus la course en bagnole comme James Dean dans la Fureur de Vivre mais on fait la course dans le Couloir du Grand Van ou dans les Grandes Jorasses il y a 2 ans.

Il n’y a pas la falaise au bout de la piste mais le pavé de glace sur le bout du casque et toujours ce besoin de supériorité en doublant et en étant le 1er.

Avec bien sur le numéro du secours en montagne en favoris sur le téléphone.

10947302_772034572884968_5697234406616871261_nL’aventure et la prospection sont mortes au profit de la consommation. Il ne faut surtout pas rater SA sortie hebdomadaire et peu importe le prix à payer. Peu importe s’il faut passer par dessus une cordée, peu importe si on lui envoie ensuite des pavés, l’important est de vivre sa sortie et d’être le 1er à rentrer son chrono et son vécu sur les forums bien pensants.

On omettra facilement les renseignements techniques (utiles) au profit de renseignements personnels (inutiles) mais bien plus gratifiants….

Je ne pense pas que c’était ce que nous cherchions, à l’aube des années 2000 lorsque, grâce à l’évolution magique internet les conditions des cascades se sont démocratisées. Les grimpeurs n’étaient pas légions et se retrouver deux cordées sur un site était un miracle. Le partage avait une autre connotation entrant totalement dans l’esprit montagne.
Les premiers à partager ayant été des guides il y avait sans doute un petit coté commercial, c’est certain.

Mais avant tout il y avait le désir de partager la connaissance d’une région, d’un terrain.

Les échanges étaient humains et techniques, on s’arrangeait pour se faire payer une bière suite à une info donnée. Aujourd’hui on a même pas droit à un thé bio.

Cette philosophie du partage est totalement obsolète, rétrograde diront certains… « vieux cons » diront d’autres.

Et pourtant je continue d’aller prospecter, utilisant mes connaissances du terrain et les conditions (catastrophiques) de la météo du moment, ce qui me permet de continuer à grimper sereinement et régulièrement.

Le partage est, égoïstement, très restreint mais intense.

L’aventure, plutôt que de rouler à 200 vers une falaise, est certainement ce privilège de se retrouver seul dans des endroits magiques. De continuer d’aller dans des lieux, pour « voir », le sac chargé de «tout ce qu’il faut au cas ou », pitons, friends, broches … Ce privilège est de pouvoir faire demi tour et d’aller faire un resto, malheureux d’un échec et le dos endolori avec l’âge mais heureux d’un moment passé en montagne avec des compagnons qui auront la banane aux lèvres le jour où « ça le fera ».

p1050402La dernière prospection s’appelle « Ni vu ni connu »……une goulotte dans un coin sublime….